May 24 2023
#E18 - Charles Delvert, par Christophe Malavoy - FR
Charles Delvert
"Le retranchement au milieu de la tempête"
Rien ne prédestinait Charles Delvert, professeur d’histoire avant la guerre, de devenir un des nombreux héros ordinaires de Verdun. Né à Paris en 1879, Charles Delvert vient d’une famille modeste d’artisans à domicile. Comme il est bon élève, sa famille lui obtient une bourse pour qu’il accède au lycée. C’est le début d’un beau et brillant parcours qui le mènera jusqu’aux bancs de l’École normale supérieure en 1899. Mais Charles Delvert souhaite servir son pays. La même année, il devance l’appel pour effectuer son service militaire, puis devient officier de réserve.
Devenu professeur d’histoire, il enchaîne les postes à Gap, Agde, Dreux ou encore Arras. Jusqu’en 1914, où il est mobilisé et rejoint le 101e Régiment d'Infanterie avec le grade de lieutenant. Delvert est blessé à deux reprises, en août puis en septembre. À chaque fois, à peine rétabli, il retourne au front. Sa division prend part à de terribles combats de Champagne pendant l’année 1915, puis elle monte à Verdun fin mai 1916, dans le secteur de Vaux…
Et plus précisément dans le retranchement R1, à 500 mètres à l’ouest du fort de Vaux. C’est là que, durant cinq jours, le capitaine Charles Delvert et les quelques dizaines d’hommes qui lui restent tiennent bon, coûte que coûte. Un exploit ! Un fait d’armes qui vaudra à Delvert et aux survivants d’être décorés.
Le premier jour, les Allemands réussissent à s’emparer des deux autres retranchements sur leur gauche. Le lendemain, l’artillerie française, mal informée, pilonne leur position toute la journée. Les fusées de signalisation lancées par les soldats français n’y feront rien. C’est l'hécatombe dans les rangs français.
Au soir du 2 juin 1916, Delvert ne compte plus que 70 hommes sur les 170 qu’il a menés au retranchement R1...Épuisé, avec une unité affaiblie, Delvert résiste. Le 3 juin, les mitrailleuses ennemies attaquent leurs arrières depuis les dessus du fort de Vaux, désormais totalement investi par les Allemands. Ces derniers atteignent la position française aux premières heures du lendemain. Les soldats allemands qui ont réussi à descendre dans le retranchement se font tués ou blessés à coups de grenades et de fusils. Seuls deux rescapés sont capturés, dont un jeune cordonnier de Essen.
Dans l’après-midi, l’artillerie allemande continue à pilonner la position française. « C’est terrible ! C’est fou ! », lâche le jeune Allemand devant Charles Delvert, qui tente de rester impassible mais qui, intérieurement, est tout aussi terrifié. En soirée, les canons français recommencent à bombarder le retranchement… ne laissant valides que 39 hommes autour de Delvert.
Durant ces horribles journées, l’officier ne peut s’empêcher d’admirer l’abnégation de ses hommes sous la mitraille. Et notamment celle de l’un de ses brancardiers, Lévêque. Celui-ci, à bout de force physiquement et nerveusement, ne renonce pas à transporter les blessés dans des conditions dantesques. Il parvient à les évacuer à la « redoute », la position bétonnée qui prolonge le retranchement R1, ainsi que vers l’arrière, vers le bois Fumin. Cet arrière qui n’est plus relié que par un boyau trop peu profond pour protéger des balles et des obus de l’adversaire et dans lequel beaucoup y ont laissé leur peau.
Le 5 juin 1916, alors que la fatigue et le stress les rendent encore plus vulnérables et que la faucheuse emporte les soldats, leur tranchée renforcée résiste encore et toujours aux attaques allemandes. Les survivants n’attendent qu’une chose : la relève ! Celle-ci, amorcée la nuit précédente, a ensuite été annulée par un contre-ordre... Alors qu’enfin l’artillerie française s’en prend efficacement à l’adversaire, la bonne nouvelle est à nouveau annoncée… pour de bon cette fois.
Delvert est obligé de laisser sur place les morts de sa compagnie, auxquels s’ajoutent ceux des détachements venus en renfort. Des morts qui, avec leurs membres raidis, semblent encore s’accrocher à cette partie du champ de bataille qu’ils ont défendue jusqu’au bout. Au moment où Charles Delvert gagne le tunnel de Tavannes, la porte de sortie de l’enfer, il n’est plus accompagné que par huit hommes…
Leur résistance héroïque vaudra à Delvert d’être décoré de la Légion d’honneur. Après Verdun, il est blessé deux autres fois avant d’être détaché auprès de différents états-majors. La paix revenue, il retrouve le chemin de l’enseignement, d’abord au lycée Janson-de-Sailly puis à Henri IV. Animé d’un patriotisme exigeant, il décide de s’engager sans succès en politique au début des années 1930. Charles Delvert s’éteint le 11 décembre 1940, à l’âge de 61 ans.
#DestindeVerdun, un podcast écrit et produit par l'équipe du Mémorial de Verdun : Nicolas Czubak, Quentin Poulet et Charles Poisson
Adaptation des textes pour l’audio : Delphine Peresan-Roudil et Florence Guionneau-Joie
Voix-off : Christophe Malavoy
Musique originale et fonds sonores : Christian Holl et Hicham Chahidi
Réalisation : FGJ/Art Expo - Post-production : Plissken Production - Enregistrement : Hope So Production