DESTINS DE VERDUN

Mémorial de Verdun - Champ de bataille

À travers une approche immersive et sensible de l’histoire, le Mémorial de Verdun - Champ de bataille présente "Destins de Verdun". Cette série de podcasts vous plonge dans le récit individuel d’hommes et de femmes, de nationalités et de milieux sociaux différents, qui ont été touchés directement ou indirectement par la bataille de Verdun. Des individus dont l’expérience est révélatrice de celle vécue par la génération de 14-18.

Dans ces épisodes, nous allons vous dévoiler leur parcours de vie : Qui étaient-ils avant la guerre ? Comment ont-ils vécu ce conflit hors normes ? Que sont-ils devenus ?

Mis à l’honneur à l’occasion de l’exposition-parcours "Destins de Verdun », ces 20 récits sont incarnés par des personnalités et comédien.ne.s célèbres, très bien identifiés par les français qui ont accepté généreusement et avec bienveillance et engagement, de « prêter leur voix » pour raconter l’histoire de ces 20 destins. Parmi lesquels Mathieu Amalric, Sarah Biasini, Thierry Godard, Clotilde Hesme, Marie Kremer, Julien Larere-Genevoix, Christophe Malavoy, Delphine Peresan-Roudil, Barbara Probst, Richard Sammel, Omar Sy, qui a également accepté d’être parrain de l’exposition et Léa Wiazemsky.

Ces enregistrements que vous allez découvrir redonnent vie à ces destins profondément marqués par la bataille.

L'exposition-parcours "Destins de Verdun" a été réalisée avec le soutien du Département de la Meuse, de la Région Grand Est, de la République Française, de la FNSV, du CNSV, de la Fondation d'entreprise La France Mutualiste, de l'ANDRA, de l'Université de Lorraine et avec le partenariat média d'Histoire TV.

read less
HistoryHistory

Episodes

#E1 - Maurice Genevoix, par Julien Larere-Genevoix - FR
May 24 2023
#E1 - Maurice Genevoix, par Julien Larere-Genevoix - FR
Maurice Genevoix "Il était parmi eux" En ce dimanche 17 septembre 1967, ils sont plus de 5 000 à s’être rassemblés : anciens combattants, officiels, porte-drapeaux, pèlerins. Tous sont massés devant le parvis du bâtiment qui vient juste d’être terminé. Le Mémorial de Verdun est sur le point d’être inauguré. Derrière son pupitre, Maurice Genevoix commence son discours. L’académicien, président du Comité National du Souvenir de Verdun, et porte-parole des vétérans de 14-18, livre son allocution, la voix enrouée. Mais alors que défilent les mots de son discours devant ses yeux, le vieil homme n’est plus tout à fait là. Il est de nouveau parmi « eux ». « Eux », ce sont ses camarades, « Ceux de 14 », qui lui apparaissent à nouveau. De celui qu’il connaissait à peine, fauché par une balle lors de la bataille de la Marne, à Robert Porchon, son frère d’armes, son ami. Tous sont là...  Et les souvenirs douloureux l’assaillent, comme cette nuit d’horreur du 20 au 21 février 1915, sur la crête des Éparges. Dans le froid et sous la pluie, les blessés l’appellent, le supplient d’abréger leurs souffrances. Eux qui, à peine quelques heures plus tôt, étaient encore plein de vie, avant d’être terriblement mutilés par un obus.   Et lui, miraculeusement, était resté le seul indemne. Jusqu’à ce qu’il soit à son tour grièvement blessé le 25 avril 1915, non loin du village de Saint-Rémy-la-Calonne. Il se remémore avec gratitude et émotion le soin avec lequel les brancardiers l’ont déplacé en arrière de la ligne de feu, malgré les obus qui, tout autour d’eux, brisaient les hêtres des Hauts de Meuse. Et aujourd’hui, oscillant entre les fantômes de ses camarades et la foule mêlant toutes les générations, ce survivant termine son discours par un message d’humanisme : « Jeunes et vieux, amis, ennemis réconciliés, puissent-ils emporter de ces lieux, au fond d’eux-mêmes, une notion de l’homme qui les soutienne et les assiste ! Puisse la lumière qui va veiller ici les guider enfin, vers la Paix ! » Le Mémorial de Verdun était né… Treize ans plus tard, Maurice Genevoix rédige son dernier ouvrage, intitulé Trente mille jours, dans lequel il revient sur sa vie. De Sous Verdun, premier volume de Ceux de 14, à cet ultime titre, en passant par son prix Goncourt pour Raboliot en 1925, l’écrivain rédige en tout une soixantaine d’ouvrages. L’exaltation de la vie et de la nature sont au cœur de son œuvre, avec toujours, comme en filigrane, le traumatisme de la guerre.  Le jeune sous-lieutenant du 106e Régiment d'Infanterie, devenu témoin de son siècle, s’éteint le 8 septembre 1980, quelques semaines avant son 90e anniversaire.   #DestindeVerdun, écrit et produit par l'équipe du Mémorial de Verdun : Nicolas Czubak, Quentin Poulet et Charles Poisson Adaptation des textes pour l’audio : Delphine Peresan-Roudil et Florence Guionneau-Joie Voix-off : Julien Larere-Genevoix Musique et fonds sonores : Christian Holl et Hicham Chahidi Réalisation : FGJ/Art Expo - Post-production : Plissken Production - Enregistrement : Hope So Production
#E2 - Jean Tourtay, par Marie Kremer - FR
May 24 2023
#E2 - Jean Tourtay, par Marie Kremer - FR
Jean Tourtay « Il avait des yeux de faucon » Pendant des jours et des jours, Jean Tourtay passe des heures entières à plusieurs centaines de mètres d’altitude, à scruter le champ de bataille du haut de son ballon d’observation.  Lors de son service militaire, ce jeune soldat de Chalon-sur-Saône, né en 1891,  rejoint le premier groupe d’aérostation en 1912. Une affectation qui s’explique peut-être par sa profession de photographe... Au moment de la mobilisation, c’est donc en toute logique que Tourtay se retrouve dans les ballons d’observation. Les capacités du jeune homme sont très admirées, à tel point qu’il obtient successivement les grades de sergent puis de sous-lieutenant.  Il faut l’imaginer tout là haut, secoué par le vent dans sa nacelle, sous l’ample enveloppe de tissu de son ballon d’observation. Son travail est essentiel : il informe l’état-major par téléphone de l’évolution de la ligne de front, et guide d’innombrables tirs de canons. Avec le déclenchement de la bataille de Verdun, en février 1916, il est vite appelé sur le front des Hauts de Meuse. Depuis qu’il est arrivé à Verdun, Tourtay a acquis une solide réputation. En effet, malgré les intempéries et les fumées qui recouvrent le champ de bataille, ses yeux ne se trompent jamais. Aussi, en ce dimanche 2 avril, c’est la surprise lorsqu’il transmet ce message : les Allemands sont en train de progresser en force au sud du fort de Douaumont. Ses interlocuteurs sont dubitatifs… Comment cela est-il possible ? Certes, la bataille fait rage, mais au sol, aucune information n’a été transmise par les fantassins. Tourtay indique maintenant que les Allemands ont dépassé la ligne de chemin de fer Fleury-Vaux. Il se fait pressant et  demande un tir de barrage sur une zone où sont pourtant censées se trouver les réserves françaises.  Ses yeux l’auraient-ils trahi ? A l’État-major, on s’inquiète, on hésite. La situation est grave, on ne sait quoi décider, de peur de tirer sur des troupes amies. Le général Nudant l’appelle directement, et lui demande de jurer sur l’honneur qu’il est sûr de ce qu’il a vu. Tourtay s’exécute. Sur la foi de sa seule parole, le tir dévastateur est déclenché. Quelques heures plus tard, un régiment français est envoyé pour contre-attaquer. Dans leur marche, les poilus croisent alors de nombreux soldats tués et blessés dans l’effroyable bombardement… et ils sont allemands.  Ce jour-là, les Français ont été sauvés par les yeux de faucon de Jean Tourtay, véritable « as » de l’aérostation. Quelques mois plus tard, en janvier 1917, il est à nouveau promu. Devenu lieutenant, il reste dans les airs mais troque son ballon pour l’école d’aviation d’Ambérieu. Et c’est malheureusement dans un accident d’avion qu’il se tue, le 26 février 1918, aux environs de Châlons-sur-Marne. Il avait 26 ans.    #DestindeVerdun, écrit et produit par l'équipe du Mémorial de Verdun : Nicolas Czubak, Quentin Poulet et Charles Poisson Adaptation des textes pour l’audio : Delphine Peresan-Roudil et Florence Guionneau-Joie  Voix-off : Marie Kremer Musique originale et fonds sonores : Christian Holl et Hicham Chahidi Réalisation : FGJ/Art Expo - Post-production : Plissken Production - Enregistrement : Hope So Production
#E3 - Nicole Girard-Mangin, par Clotilde Hesme - FR
May 24 2023
#E3 - Nicole Girard-Mangin, par Clotilde Hesme - FR
Nicole Girard-Mangin « Je demande un homme, on m’envoie une femme ! » Ça y est, c’est imminent... Selon le commandement supérieur, les Allemands envisagent une attaque de grande envergure contre Verdun. Le Service de Santé du secteur doit rapidement évacuer les blessés et les malades de la ville. La tâche est énorme, et le mauvais temps retarde grandement l’évacuation. Dans tout ce tumulte, il y a une femme de 37 ans, Nicole Girard-Mangin, qui garde la tête froide. Née à Paris en 1878, elle connaît déjà la Meuse, ayant passé sa jeunesse à Véry. A l’âge de 18 ans, elle se destine à la médecine et commence des études à Paris. Mais elle se marie peu après avec André Girard, exploitant viticole, et renonce dès lors à ses études pour travailler à ses côtés. Un crève-cœur … qui sera de courte durée. En 1903, suite à leur divorce, elle retourne ni une ni deux sur les bancs de l’école de médecine. A la veille de la guerre, elle est en poste dans un dispensaire pour tuberculeux de l’hôpital Beaujon à Paris, où elle effectue des recherches sur la tuberculose et le cancer.  Nicole Girard-Mangin est une femme moderne, engagée et passionnée par son métier. Mais malgré cette indéniable expérience, elle doit se battre contre les préjugés de son époque. et faire face à de nombreux défis, voire injustices.  En 1914, suite à erreur administrative au sein du Ministère de la Guerre, elle se retrouve mobilisée en tant que médecin militaire. L’Armée pensait avoir affaire au docteur “Gérard Mangin”.  La situation est inédite… Une femme médecin militaire à Verdun !   Elle est affectée dans un secteur alors calme : Verdun. Mais l’accueil qu’on lui réserve sur le front, en septembre 1914, est glacial : « Je demande un homme, on m’envoie une femme ! ». Le ton est donné. Cela n’empêche pas la docteure Girard-Mangin de faire son travail : nommée au grade de médecin auxiliaire, elle s’occupe avec détermination des malades atteints de la typhoïde à l’hôpital N°13 de Glorieux, un des quartiers de Verdun. En cette fin de février 1916, les Allemands arrivent, il est temps d’évacuer… La panique s’empare de la ville. Rapidement, les routes sont encombrées de véhicules sanitaires remplis de blessés. Nicole Mangin assure sa mission : elle organise avec professionnalisme l’évacuation de son service jusqu’à l’hôpital de Bar-le-Duc. Pourtant, il reste une poignée de malades intransportables et mourants. La docteure, qui connaît bien ces convalescents, refuse de les abandonner. La pression de la bataille est de plus en plus importante. Des masses de blessés affluent à l’hôpital de Glorieux. Ces derniers, traumatisés par leur expérience en première ligne, racontent ce qu’ils ont vu, ce qu’ils ont entendu. Impossible pour Nicole Mangin et ses camarades de vérifier toutes ces informations. La panique augmente, d’autant que l’hôpital est désormais plongé dans le noir suite à une coupure d’électricité.  Le bombardement intensif rend rapidement la position intenable, et l’évacuation définitive du personnel de santé est décidée le 25 février. A bord d’une voiture sanitaire, Nicole évacue ses derniers convalescents vers Froidos. La route est dangereuse et la traversée semble interminable, au milieu des obus qui tombent et des éclats qui frappent le véhicule. Nicole est alors touchée au visage. Heureusement, la blessure est superficielle et n’entame pas l’abnégation de la docteure. Malgré son extrême fatigue, Nicole Mangin reste en poste dans le secteur de Verdun jusqu’en novembre 1916. Dix mois de présence, de réconfort et de soins dispensés aux centaines de blessés apportés chaque jour. Malgré ses états de service et sa détermination qui lui valent des promotions, l’Armée lui refuse toute distinction… Elle s’est éteinte prématurément en 1919, probablement des suites d’un intense surmenage. Elle avait 40 ans. Avec sa contemporaine Marie Curie, elle a bouleversé l’image des femmes dans la médecine, prouvant qu’elles étaient capables d’agir aussi efficacement et courageusement que les hommes.   #DestindeVerdun, un podcast écrit et produit par l'équipe du Mémorial de Verdun : Nicolas Czubak, Quentin Poulet et Charles Poisson Adaptation des textes pour l’audio : Delphine Peresan-Roudil et Florence Guionneau-Joie Voix-off : Clotilde Hesme Musique originale et fonds sonores : Christian Holl et Hicham Chahidi Réalisation : FGJ/Art Expo - Post-production : Plissken Production - Enregistrement : Hope So Production
#E4 - Kurt Rackow, par Delphine Peresan-Roudil - FR
May 24 2023
#E4 - Kurt Rackow, par Delphine Peresan-Roudil - FR
Kurt Rackow "Il était le premier en haut de la montagne" Un vrai guerrier issu de la tradition militaire prussienne, ce Kurt Rackow, né en 1893. À la déclaration de guerre, ce jeune homme qui avait intégré à l’âge de 19 ans le 158e Régiment d’Infanterie de Paderborn, en Westphalie, participe à l’invasion de la Belgique, puis à la bataille de la Marne. Devenu entre temps sous-lieutenant, Rackow connaît bien les tranchées de l’Artois et de la Champagne, où l’armée allemande subit de grandes offensives françaises. Blessé deux fois, Rackow est évacué et hospitalisé. Il retrouve sa compagnie en février 1916.  Deux mois plus tard, son régiment est envoyé à Verdun : ils ont pour mission d’occuper le secteur de Vaux, dominé par le fort du même nom. Ils sont donc aux premières loges lorsqu’au début du mois de juin, l’armée allemande engage une grande attaque pour s’en emparer… Nous sommes le vendredi 2 juin 1916, au petit matin. Accompagné d’une vingtaine de soldats, le lieutenant Rackow vient d’atteindre le dessus du fort. Cela fait plusieurs mois que les Allemands sont fixés sur les pentes de l’édifice. Et c’est lui, Rackow, qui se retrouve en premier en haut de la montagne. Quelques heures auparavant, au milieu des hommes de sa compagnie, il est parti à l’assaut… Il a fallu progresser sous les tirs des défenseurs français, jusqu’au rebord du fossé. Impossible d’avancer davantage, les Français faisant feu pour leur barrer l’accès. Mais grâce à l’intervention de sapeurs, qui ont enfumé l’ennemi, Rackow est parvenu à traverser l’obstacle. L’objectif est atteint ! Mais seule une poignée d’hommes a pu le suivre… Le voilà isolé. Les autres ont été stoppés par la résistance des Français. Pourtant, pas une seconde il ne songe à se replier. Les Allemands n’ont jamais été aussi proches du but. Pour indiquer qu’il s’accroche à sa position, Rackow communique en morse pendant des heures avec les soldats bloqués aux alentours du fort. Finalement, la délivrance arrive en milieu d’après-midi. Des renforts forcent les Français à se terrer à l’intérieur de l’ouvrage. Au soir, ce sont 150 hommes sous les ordres de Rackow qui verrouillent le fort. Il faut pourtant cinq jours supplémentaires pour faire tomber Vaux. Et même si, relevé le 3 juin au soir, Rackow n’assiste pas à la reddition du fort, il devient un véritable héros national. Il recevra pour ce fait d’armes la croix « Pour le Mérite », la plus haute distinction allemande.  La guerre ne s’arrête pas pour lui, puisqu’il continue à servir dans les rangs de son régiment jusqu’à l’armistice. De mai à août 1919, dans le contexte révolutionnaire qui caractérise l’Allemagne de l’immédiat après-guerre, il intègre un corps franc dans la ville de Düsseldorf afin d’écraser toute nouvelle tentative d’insurrection spartakiste. Il se retire de l’armée en 1920, trois ans avant de se tuer dans un accident.   #DestindeVerdun, un podcast écrit et produit par l'équipe du Mémorial de Verdun : Nicolas Czubak, Quentin Poulet et Charles Poisson Adaptation des textes pour l’audio : Delphine Peresan-Roudil et Florence Guionneau-Joie Voix-off : Delphine Peresan-Roudil Musique originale et fonds sonores : Christian Holl et Hicham Chahidi Réalisation : FGJ/Art Expo - Post-production : Plissken Production - Enregistrement : Hope So Production
#E5 - Eugène Criqui, par Mathieu Amalric - FR
May 24 2023
#E5 - Eugène Criqui, par Mathieu Amalric - FR
New York, 26 juillet 1923. C’est la quatrième fois qu’Eugène Criqui roule à terre, sous les coups de l’Américain Johnny Dundee. Le champion du monde des poids plumes est en difficulté. Cependant, celui que l’on surnomme « Mâchoire de fer » en a vu d’autres.  Huit ans plus tôt, dans la nuit du 13 au 14 mars 1915, il attend dans le secteur calme de la Tranchée de Calonne, à une vingtaine de kilomètres au sud-est de Verdun. Ce jour-là, Eugène Criqui, fantassin au 54e Régiment d'Infanterie, veille au créneau d’un petit poste en direction des lignes allemandes. Un mauvais endroit, car les précédents guetteurs ont été tués. Dans l’obscurité, il est très difficile de distinguer les sacs de terre des positions allemandes, au-delà des taillis et des arbres déchiquetés. Soudain, Criqui voit quelque chose bouger et ouvre le feu. En riposte, un coup retentit de l’autre côté du no man’s land. Frappé au visage, le boxeur tombe assis au fond de la tranchée. Resté conscient, en état de choc, il parvient à retourner vers ses camarades, qui découvrent alors la blessure hideuse barrant le visage du jeune homme…  La balle a brisé sa mâchoire inférieure, déchiré sa langue et enlevé une vingtaine de dents, créant un trou immonde d’où le sang jaillit en abondance sur la face du boxeur. Nombreux sont ceux qui pensent la blessure mortelle... Le boxeur est transporté en urgence par des brancardiers vers Rupt-en-Woëvre. Criqui est finalement sauvé, mais les nombreuses interventions chirurgicales subies à Verdun puis à Lyon continueront de le faire souffrir... Pour soigner cette « gueule cassée », une plaque en fer finit par lui être greffée pour réparer sa mâchoire. Partiellement démobilisé, et malgré son handicap, il reprend l’entraînement pour le ring dès 1917. D’étape en étape, « le roi du KO », comme on le surnomme, conquiert à New York en 1923 le titre de champion du monde des poids plumes contre Johnny Kilbane… avant de le perdre contre Dundee le mois suivant, d’un coup dans la mâchoire. Cela n’empêche pas Criqui de continuer à boxer jusqu’en 1928, malgré une main brisée lors d’un autre combat. Pour tous ces exploits, ce Parisien qui s’est littéralement fait casser la gueule pour la France est cité à l’ordre de l’Armée en mars 1960. Titulaire de la Médaille militaire et de la Croix de Guerre avec palme, « Gégène gueule cassée » meurt en 1977. Il repose au cimetière de Pantin.   #DestindeVerdun, un podcast écrit et produit par l'équipe du Mémorial de Verdun : Nicolas Czubak, Quentin Poulet et Charles Poisson Adaptation des textes pour l’audio : Delphine Peresan-Roudil et Florence Guionneau-Joie Voix-off : Mathieu Almaric Musique et fonds sonores : Christian Holl et Hicham Chahidi Réalisation : FGJ/Art Expo - Post-production : Plissken Production - Enregistrement : Hope So Production
#E6 - Jean-Ernest Tucoo-Chala, par Thierry Godard - FR
May 24 2023
#E6 - Jean-Ernest Tucoo-Chala, par Thierry Godard - FR
Jean-Ernest Tucoo-Chala "Le sang-froid au milieu de tout le bordel" « Verdun ? Eh bien ça me va, je suis content de voir ce sacré secteur si terrible. » Voila une phrase qui semble impossible à prononcer en cette fin mai 1916. Elle est pourtant bien lancée par Jean-Ernest Tucoo-Chala, né à Pau, en 1893, que rien ne semble effrayer, pas même l’enfer de Verdun.  Avant la guerre, ce jeune Béarnais de 23 ans, issu d’une famille modeste de quatre enfants, était devenu ébéniste-carrossier, à la suite d’un tour de France en tant que compagnon. En 1912, c’est le temps du service militaire au cours duquel il est initié au maniement du canon de 75mm dans un régiment d’artillerie à Tarbes.  Puis tout s’accélère. La mobilisation générale en 1914 l’envoie au 14e Régiment d’Artillerie de Campagne, avec lequel il participe aux combats en Belgique, sur la Marne et dans l’Aisne. En avril 1916, il devient maître-pointeur de sa batterie d’artillerie. Un mois plus tard, il rejoint un secteur mouvementé et bien connu des soldats… celui de Verdun. La vaillance du jeune homme va cependant être mise à rude épreuve, d’autant que sa batterie pointe vers le fort de Douaumont. Le 28 mai, l’orchestre infernal commence. Au son de « Tirez, tirez ! », la batterie de Tucoo-Chala commence une intense rengaine. La cadence est telle que les canons se mettent à rougir et à brûler les mains du jeune homme. Soudain, l’un d’eux explose ! Bon Dieu ! Ce n’est pas passé loin. « TIREZ ! TIREZ ! » martèle pourtant le chef de batterie. C’est maintenant l’orchestre allemand qui répond aux canons français. Les obus tombent autour d’Ernest, arrachant des membres, tuant des camarades, explosant des dépôts de munitions. Les gaz se joignent maintenant au brouhaha, contraignant la visibilité et la respiration du Béarnais. « TIREZ ! TIREZ !! ». « Et comment bordel ?! » Au milieu de cet enfer, un lieutenant se balade « comme s’il était sur les Champs Elysées ». La scène est surréaliste, mais le flegme de cet officier maintient le moral de Tucoo-Chala. Fatigué et recouvert de boue, il redouble d’effort, dorénavant seul à la manœuvre. Il tire comme un « dératé » au point de faire exploser d’autres canons, pourtant neufs. Douze jours plus tard, c’est l’heure de la relève. Malgré une semaine éprouvante, Tucoo-Chala ne souhaite pas repartir. Il veut continuer à se battre pour soutenir les fantassins. Mais la raison l’emporte, il retourne se reposer sur Verdun. Ce vaillant combattant est reconnu par ses supérieurs et obtient une citation pour son courage. Pour autant, sa guerre n’est pas terminée. Il passe par l’Argonne, la Somme, l’Oise, le Chemin des Dames, et combat même dans les Balkans dans les rangs de l’Armée d’Orient en 1918. Retenu avec son unité en Hongrie pour lutter contre les Bolchéviques, il termine la guerre en 1919, avec le grade d’adjudant-chef.  Il a traversé toutes les années du conflit… sans avoir connu la moindre blessure. De retour en France, Jean-Ernest Tucoo-Chala, qui pouvait prétendre à une brillante carrière militaire, s’éloigne définitivement de l’armée. Il préfère retourner à Pau, où il ouvre une modeste épicerie. Et c’est dans sa ville natale qu’il passe sereinement le reste de sa vie, et qu’il meurt le 23 décembre 1977, à l’âge de 84 ans.    #DestindeVerdun, un podcast écrit et produit par l'équipe du Mémorial de Verdun : Nicolas Czubak, Quentin Poulet et Charles Poisson Adaptation des textes pour l’audio : Delphine Peresan-Roudil et Florence Guionneau-Joie Voix-off : Thierry Godard Musique originale et fonds sonores : Christian Holl et Hicham Chahidi Réalisation : FGJ/Art Expo - Post-production : Plissken Production - Enregistrement : Hope So Production
#E7 - Oswald Boelcke, par Delphine Peresan-Roudil - FR
May 24 2023
#E7 - Oswald Boelcke, par Delphine Peresan-Roudil - FR
Oswald Boelcke "Les deux aigles au-dessus de Douaumont" Né en 1891 en Saxe, Oswald Boelcke vient d’une famille modeste. Peu avant ses vingt ans, il s’engage comme élève officier dans un bataillon de télégraphie. Sa formation militaire le fait passer par l’école de guerre de Metz. C’est là qu’il reçoit son baptême de l’air en 1913 : il a 22 ans, et l’aviation devient sa passion.  Dans les premiers jours de la guerre, les grands chefs, des deux côtés, estiment que l'aviation est seulement un moyen supplémentaire d'information pour « voir de l'autre côté de la colline ». Ce sont les aviateurs eux-mêmes qui vont prouver que ce « service » peut être considéré comme une « arme ». En mai 1914, après un passage à l’école de pilotage de Halberstadt, il intègre les troupes aériennes de l’armée allemande en tant qu’observateur. Puis, en mai 1915, Boelcke est affecté dans l’aviation de chasse à Douai, dans le nord de la France. Aussi, lorsque début 1916 l’armée allemande prépare sa grande offensive sur Verdun, il est transféré là-bas.  Le 13 mars, Boelcke est dans les airs, à bord de son Fokker Eindecker. Il survole le front de Verdun lorsque son œil est attiré par un autre avion, un Nieuport, qui s’en prend à un biplan ami. Il n’hésite pas un seul instant. Car Boelcke est de la race des “chevaliers du ciel”. Deux mois plus tôt, il a reçu la plus haute décoration allemande, la croix “Pour le mérite”. Il est ce qu’on appelle un “as”, et compte déjà 10 victoires, soit 10 avions ennemis abattus. Le voilà donc qui précipite son appareil au-dessus du plateau de Douaumont, où l’aviateur français joue les trouble-fêtes.  Mais le pilote ennemi l’a aperçu, et a manœuvré de justesse pour éviter les rafales de balles que crachent ses mitrailleuses. Les deux aviateurs enchaînent les figures acrobatiques au-dessus du champ de bataille afin de trouver les meilleurs angles de tir. Soudain, le Nieuport réussit à se placer dans les six heures du Fokker. Boelcke se pense perdu, sa fin est venue… mais l’avion français le dépasse, emporté par sa vitesse excessive.  L’as allemand en profite pour placer un court instant le biplan ennemi dans son collimateur et ouvre le feu. Plus rapide, le Français s’éloigne, au grand soulagement de Boelcke qui, à son tour, retourne au bercail. Sans le savoir, le pilote allemand vient d’affronter Georges Guynemer, l’un des plus grands « as » de la chasse française, qu’il a blessé au visage ainsi qu’au bras gauche. Pour le Français, la bataille de Verdun est terminée… mais pas la guerre.  Véritable héros national, Boelcke remporte neuf autres victoires sur le front de Verdun. Il se bat ensuite sur la Somme à partir du mois d’août, où il réorganise la chasse. Parmi les hommes qu’il recrute se trouve le lieutenant Manfred von Richthofen, le futur “Baron Rouge”, « as des as » de la Grande Guerre. Boelcke, quant à lui, trouve la mort le 28 octobre 1916, après une collision avec un de ses ailiers, le lieutenant Erwin Böhme. Il reçoit des funérailles nationales, célébrées dans la cathédrale de Cambrai. Il était titulaire de 40 victoires…   #DestindeVerdun, un podcast écrit et produit par l'équipe du Mémorial de Verdun : Nicolas Czubak, Quentin Poulet et Charles Poisson Adaptation des textes pour l’audio   : Delphine Peresan-Roudil et Florence Guionneau-Joie Voix-off : Delphine Peresan-Roudil Musique et fonds sonores : Christian Holl et Hicham Chahidi Réalisation : FGJ/Art Expo - Post-production : Plissken Production - Enregistrement : Hope So Production
#E8 - Moussa Dansako, par Omar Sy - FR
May 24 2023
#E8 - Moussa Dansako, par Omar Sy - FR
Moussa Dansako "Un soldat d’Afrique dans l’enfer de Verdun" Le caporal Moussa Dansako grelotte... Au milieu de ses camarades, tous massés au fond d’une tranchée sommairement aménagée, il attend l’instant où il faudra s’élancer. Nous sommes sur le plateau au nord de Verdun : ces journées d’automne sont particulièrement glaciales et font souffrir les soldats du 36e Bataillon de Tirailleurs sénégalais. À quoi peuvent bien penser ces hommes frigorifiés, issus du Sénégal, du Mali, du Niger, de Guinée, du Burkina Faso… À leur famille, à leur village ? Certains songent à leur engagement sincère pour la France, qui prend en cet instant une tournure particulièrement dramatique. D’autres, majoritaires, se souviennent de la manière dont ils ont été recrutés, sous la menace ou par la violence.  Beaucoup, comme Dansako, se demandent bien ce qu’ils font là, dans la boue et le froid, en ce 24 octobre 1916. L’intensité des explosions ramène le caporal à la réalité : l’attaque est imminente. Il est 11h40. Paralysés par la peur et le froid, Dansako et ses camarades se hissent par-dessus le parapet de la tranchée et s’élancent vers leur destin. Mais au bout de deux heures, la progression est arrêtée par les tirs ennemis. Un nouvel ordre tombe : à eux de nettoyer les nids de mitrailleuses allemandes, au ravin de la Fausse-Côte. Le combat est féroce. Les hommes avancent péniblement, les pieds dans la boue, sous une grêle de balles et au milieu des explosions de grenades. Malgré le tumulte, le caporal Moussa Dansako fait preuve d’un très grand courage. Quatre fois de suite, il se porte au secours de camarades meurtris pour les transporter un peu plus en arrière, en sécurité. Et il y parvient alors qu’il est lui-même blessé ! Dans l’après-midi, la mission des tirailleurs est accomplie. Le ravin est dégagé… mais à quel prix : 84 tirailleurs ont été tués ou blessés. La relève arrive dans la nuit du 25 au 26 octobre. Dansako et ses camarades quittent Verdun, après avoir participé à la grande offensive qui a permis de reprendre le fort de Douaumont. Il s’appelait Moussa Dansako. Était-il Malien, Sénégalais, Nigérien, Guinéen, Burkinabé ?  Son nom même a-t-il bien été retranscrit par le recruteur français ? Son souvenir semblait perdu dans le brouillard de cette journée d’octobre 1916. Cent ans plus tard, ce héros émerge des brumes de l’Histoire.    #DestindeVerdun, un podcast écrit et produit par l'équipe du Mémorial de Verdun : Nicolas Czubak, Quentin Poulet et Charles Poisson Adaptation des textes pour l’audio : Delphine Peresan-Roudil et Florence Guionneau-Joie Voix-off : Omar Sy Musique et fonds sonores : Christian Holl et Hicham Chahidi Réalisation : FGJ/Art Expo - Post-production : Plissken Production - Enregistrement : Hope So Production
#E9 - Albert Neyton, par Barbara Probst - FR
May 24 2023
#E9 - Albert Neyton, par Barbara Probst - FR
Albert Neyton "L’homme plus rapide que les balles" C’est en Isère, à Saint-Martin d’Uriage, qu’Albert Neyton naît en 1891. Devenu gantier, il fait son service militaire en 1912 et rejoint alors le 99e Régiment d'Infanterie de Lyon. Puis la guerre éclate, c’est la mobilisation : Albert est affecté à la compagnie hors rang du régiment, une unité qui regroupe tous les hommes chargés du fonctionnement administratif et logistique.  Le 99e Régiment d'Infanterie combat dans les Vosges et dans la Somme en 1914, avant d’être envoyé en Champagne l’année d’après, puis à Verdun dès la fin février 1916. Quelques mois plus tard, Neyton devient télégraphiste. Et c’est avec cette nouvelle fonction qu’il rejoint l’ouvrage de Froideterre…  En cette fin juin 1916, cela fait trois jours que les hommes de la garnison subissent le pilonnage de l’artillerie allemande. Le fort tremble, fume et craque sur les coups des obus.  « Il va s’effondrer sur nous », pense le soldat Neyton. Autour de lui, ses camarades sont intoxiqués par les gaz de combat, ou paniqués par le bruit assourdissant des explosions. Il reste peu d’hommes valides, tous sont épuisés… Pour couronner le tout, les galeries de Froideterre sont plongées dans le noir complet. Au matin du 23 juin, les observateurs signalent l’approche de l’ennemi. Ces derniers progressent avec méfiance en direction du fort. Celui-ci a été tellement bombardé que les assaillants espèrent l’avoir réduit au silence. Les Allemands arrivent sur le dessus de l’ouvrage, Albert peut presque les entendre. Le suspense est brusquement interrompu par des explosions retentissantes dans le couloir. C’est la panique ! Des grenades allemandes viennent d’être jetées depuis une brèche dans le plafond, enflammant un stock de fusées éclairantes. Une fumée noire et nocive envahit la caserne. Les Français s’efforcent de contenir l’incendie, qui menace maintenant un dépôt de munitions. In extremis, les cartouches et les grenades sont éloignées du brasier. « Piégé comme des rats ! » Voilà le sentiment partagé par Neyton et ses camarades.  Et impossible de riposter… Car la tourelle abritant deux canons de 75 mm pourrait très bien intervenir… si les communications n’avaient pas été rompues. L’unique solution serait d’envoyer un messager. Mais comment faire, avec les Allemands au-dessus de la caserne… ? Albert Neyton prend son courage à deux mains et se propose : à lui revient la mission suicidaire de porter l’ordre de tir dans le local de la tourelle. Il ne s’agit que d’une distance d’une petite cinquantaine de mètres… Mais elle est à découvert, sous les tirs ennemis. Sans prendre le temps de réfléchir, Neyton est déjà dehors, tête baissée au milieu des balles qui claquent et sifflent autour de lui. Mais aussi invraisemblable que cela puisse paraître, il arrive sain et sauf à destination ! Et telle n’est pas la stupeur des assaillants lorsqu’ils voient la tourelle s’élever lentement, et diriger ses canons dans leur direction. L’air est aussitôt déchiré par la mitraille : 116 coups tombent sur les soldats ennemis, ne leur laissant aucune chance… Le courage d’Albert Neyton a permis à l’ouvrage de Froideterre de ne pas être pris par les Allemands en ce 23 juin 1916, le jour où Verdun a failli tomber… Cité à l’ordre du régiment pour son acte de bravoure, Neyton devient ensuite volontaire pour l’armée d’Orient, et combat dans les Balkans jusqu’à l’Armistice. Il est décoré de la Croix de Guerre, puis de la médaille commémorative serbe de la Grande Guerre. Albert Neyton meurt en 1973 dans son Isère natale, à l’âge de 82 ans.     #DestindeVerdun, un podcast écrit et produit par l'équipe du Mémorial de Verdun : Nicolas Czubak, Quentin Poulet et Charles Poisson Adaptation des textes pour l’audio : Delphine Peresan-Roudil et Florence Guionneau-Joie Voix-off : Barbara Probst Musique et fonds sonores : Christian Holl et Hicham Chahidi Réalisation : FGJ/Art Expo - Post-production : Plissken Production - Enregistrement : Gorgone Productions
#E10 - Romain Darchy, par Sarah Biasini - FR
May 24 2023
#E10 - Romain Darchy, par Sarah Biasini - FR
Romain Darchy "L’enterré vivant" Né en 1895 à Sancerre, Romain Darchy est trop jeune pour être mobilisé lorsque la guerre éclate. Il lui faut attendre décembre 1914 : ni une, ni deux, il quitte alors l’étude de notaire qui l’emploie pour rejoindre l’armée. En mars 1915, il rejoint le 408e Régiment d'Infanterie, avec lequel il part au combat au printemps. Pendant presque un an, il occupe avec ses camarades les tranchées du front de l’Oise… avant d’être envoyé à Verdun. Nous sommes le 7 mars 1916. Romain Darchy est plongé depuis plusieurs jours dans l’enfer du champ de bataille. Soudain, un obus arrive droit sur lui ! En un instant, il est violemment soufflé par l’explosion du projectile. Et lorsqu’il parvient à reprendre ses esprits, il se rend compte avec horreur qu’il est enseveli vivant… Sa survie, il la doit à une poutre qui, au-dessus de sa tête, a bloqué une partie de l’éboulement. Darchy est prisonnier. Pire : il ne peut compter sur l’aide de personne car, en tant qu’agent de liaison, il était seul au moment de l’explosion. Le voilà qui appelle à l’aide du fond de son tombeau… Mais personne ne peut l’entendre sous le terrible bombardement qui retourne les pentes du fort de Vaux ce jour-là… Tour à tour, il désespère et reprend espoir, ne pouvant se résigner au pire. Mais les heures défilent et la situation semble sans issue.  Qu’il est difficile de mourir quand on a vingt ans, sans aucune blessure, en pleine force de l’âge, et en étant parfaitement conscient. Une idée le chagrine particulièrement : celle d’être porté disparu. Il pense à la peine et à la douleur de ses parents, qui ignoreront tout de l’endroit où repose son corps. Il les imagine, après la guerre, errant sur l’immensité du champ de bataille, en quête d’informations sur sa disparition. Cela fait maintenant plus de sept heures qu’il est enseveli. Il sent que la fin est proche. Mais une explosion secoue le sol et fait apparaître un rai de lumière ! Électrisé par le fol espoir de s’en sortir enfin, Romain retrouve suffisamment d'énergie pour réussir à s’extraire de son trou et rejoindre ses camarades. Il ne peut s’empêcher de penser aux soldats qui, enterrés vivants comme lui, n’ont pas eu cette chance… Quatre jours plus tard, Darchy est blessé lors de la relève qui le mène au fort de Tavannes. Après sa convalescence, loin d’être découragé, il suit la formation de l’école militaire de Joinville-le-Pont, puis retourne au front avec le grade d’aspirant en mars 1917. Il se bat presque jusqu’à la fin de la guerre, stoppé en juillet 1918 lorsqu’il est fait prisonnier. Romain Darchy finit par retrouver sa famille après l’Armistice… Mais l’Histoire a toujours le dernier mot, et elle peut se montrer impitoyable. Lors de la Seconde Guerre mondiale, Darchy retourne se battre, cette fois comme chef de la Résistance dans le département de l’Orne. Arrêté par la Gestapo en février 1944, il meurt sous la torture quatre mois plus tard, en ayant gardé tous ses secrets. Son corps disparait dans le système concentrationnaire nazi, sans laisser de trace. Ce qu’il craignait en 1916 lui est arrivé 28 ans plus tard…    #DestindeVerdun, un podcast écrit et produit par l'équipe du Mémorial de Verdun : Nicolas Czubak, Quentin Poulet et Charles Poisson Adaptation des textes pour l’audio : Delphine Peresan-Roudil et Florence Guionneau-Joie Voix-off : Sarah Biasini Musique et fonds sonores : Christian Holl et Hicham Chahidi Réalisation : FGJ/Art Expo - Post-production : Plissken Production - Enregistrement : Hope So Production
#E11 - Pierre Cazalis de Fondouce, par Christophe Malavoy - FR
May 24 2023
#E11 - Pierre Cazalis de Fondouce, par Christophe Malavoy - FR
Pierre Cazalis de Fondouce "L’incendie de l’Abri des Quatre Cheminées" Lorsque la Première Guerre mondiale éclate, Pierre Cazalis de Fondouce a 39 ans : il est d’abord mobilisé comme officier de réserve, puis il intègre l’état-major de la 61e Brigade d’infanterie, où il obtient le grade de capitaine.  Fils d’un ingénieur des Arts et Manufactures, Pierre Cazalis de Fondouce, né le 14 janvier 1875 à Montpellier, est un jeune homme engagé qui, très tôt, à embrasser une carrière militaire. À 21 ans, il entre à l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr et s’implique en politique et épouse en 1907 Pauline Thomas, avec laquelle il a trois enfants.  Mais la vie de ce père de trois enfants bascule durant l’été 2016. Son unité rejoint le secteur de Verdun, au sud-ouest de Fleury. En ce mardi 8 août, Pierre Cazalis de Fondouce progresse tant bien que mal en direction de l’Abri des Quatre Cheminées. Le souterrain tangue sous les coups de l’artillerie lourde allemande. Ce n’est pas la première fois, loin s’en faut, mais ce jour-là le bombardement est particulièrement déchaîné. Dans l’abri, qui sert à la fois de poste de secours et de poste de commandement, les soldats français des 81e et 71e régiments d’infanterie retiennent leur souffle. Valides ou blessés, campés sur leurs jambes ou allongés sur leur brancard, tous tremblent dans la pénombre.  Et soudain, vers 10 heures, c’est la catastrophe. Un obus de 210 mm frappe l’une des deux entrées, juste à côté du poste de secours. Les flammes de l’explosion mettent le feu aux paquets de pansements… Pire : elles atteignent un paquet de munitions stockées là. Des détonations s’enchaînent au milieu de ce début d’incendie… Paniqués par les explosions, les hommes valides réussissent à fuir l’abri par l’autre sortie. Mais, à l’intérieur, il y a les blessés, coincés sur leurs brancards, et les soldats tétanisés par la peur.   C’est à ce moment-là que Pierre Cazalis de Fondouce se précipite à l’intérieur avec quelques hommes, pour secourir les suppliciés. Dans le brasier, au beau milieu du crépitement des munitions qui éclatent, il tente d’organiser les secours. Mais, rapidement, il est grièvement blessé par des éclats de grenades. Entouré par les flammes, il disparaît dans la tourmente… Un des derniers hommes à l’avoir vu vivant rapporte ses derniers mots, adressés aux malheureux autour de lui qui partagent son sort : « Maintenant, nous sommes perdus, pensons à nos familles et recommandons notre âme à Dieu ! ». Ce 8 août 1916, une quarantaine d’hommes trouvent la mort dans l’Abri des Quatre Cheminées. Dès que le feu est maîtrisé, quelques heures plus tard, les soldats pénètrent à nouveau dans l’abri. De Pierre Cazalis de Fondouce, on ne retrouve que la sacoche, le revolver, le porte-cigarette, ainsi qu’une médaille de la Vierge Marie. Pour son courage, l’officier est décoré à titre posthume de la Croix de Guerre, puis de la Légion d’honneur. Aujourd’hui, un cénotaphe dressé devant l’Abri par la famille du capitaine rappelle ce drame. Le petit obélisque tourne le dos à l’entrée dans laquelle cet homme s’est précipité et n’en est jamais ressorti…   #DestindeVerdun, un podcast écrit et produit par l'équipe du Mémorial de Verdun : Nicolas Czubak, Quentin Poulet et Charles Poisson Adaptation des textes pour l’audio : Delphine Peresan-Roudil et Florence Guionneau-Joie Voix-off : Christophe Malavoy Musique et fonds sonores : Christian Holl et Hicham Chahidi Réalisation : FGJ/Art Expo - Post-production : Plissken Production - Enregistrement : Hope So Production
#E12 - Franz Marc, par Léa Wiazemsky - FR
May 24 2023
#E12 - Franz Marc, par Léa Wiazemsky - FR
Franz Marc "Il cherchait du regard" Né en 1880 à Munich, Franz Marc vient d’une famille où l’art tient une place importante. En effet, son père est professeur de peinture. Mais c’est sa mère, très religieuse, qui influence d’abord le jeune Franz : il sera pasteur ! Finalement, au sortir de l’adolescence, il se tourne vers la philosophie. Jusqu’en 1899, où Franz Marc est appelé sous les drapeaux. C’est en servant pendant un an dans un régiment d’artillerie qu’il se découvre une nouvelle passion : les chevaux. En 1900, il entre à l’école des Beaux-Arts de Munich, mais l’enseignement très classique lui pèse. Ce sont finalement deux voyages en France qui lui permettent de découvrir de nouveaux horizons artistiques qui lui parlent davantage : Courbet, Delacroix, Van Gogh, les impressionnistes ou encore les cubistes.  La rencontre avec plusieurs autres peintres allemands le marque à vie. Il y a August Macke et surtout Vassily Kandinsky, avec qui il fonde en 1911 un groupe artistique d’avant garde, le Blaue Reiter, ou "Cavalier bleu". C’est là que s’épanouit sa double passion pour les chevaux et la peinture… Mais ce bel élan créatif est brutalement interrompu par la guerre. Début 1916, le régiment de Franz Marc est engagé à Verdun.  Ce samedi 4 mars, cela fait plusieurs heures qu’il est à dos de cheval. Son rôle est de chercher le meilleur emplacement pour faire passer la colonne de munitions de son régiment d’artillerie. Çà et là tombent quelques obus dans les environs d’Herméville et de Braquis, des villages abandonnés par les Français quelques jours plus tôt.  La lumière de cette fin d’après-midi est blafarde. Avec son œil de peintre, Marc scrute au loin les Côtes de Meuse, qui, barrant l’horizon sous ce ciel bas, tirent sur le bleu. Une couleur chère au cœur de l’artiste, qu’il associe à la spiritualité et à la masculinité. Cette même masculinité qui l’a poussé, comme tant d’autres jeunes hommes, à se jeter à corps perdu dans cette terrible guerre. Mais maintenant, cela fait plus d’un an et demi que le conflit s’est enlisé dans la boue des tranchées. Et que ses illusions sur une supposée régénération de l’homme moderne par la guerre se sont toutes évaporées. Il y a notamment eu la perte dès septembre 1914 de son ami le peintre August Macke, pilier comme lui du courant du Cavalier bleu. Un décès qui l’a très vite confronté à la brutalité et à la violence de la guerre. Il a vu souffrir et mourir un grand nombre de chevaux, ses animaux adorés dans lesquels s’incarne, pour lui, l’humanité perdue par les hommes. Et malgré toute cette horreur, la chute du fort de Douaumont a fait naître chez lui le fol espoir d’une victoire décisive à Verdun. Mais l’espoir est de courte durée. En sortant du village de Braquis, les couleurs se brouillent… Un obus s’écrase à côté de lui, et brutalement, stupidement, vient loger un éclat dans la tête du peintre. Mortellement atteint, l’artiste de 36 ans est inhumé par ses camarades dans la cour du château de Gussainville, avant que sa veuve ne fasse rapatrier sa dépouille en Bavière. Ainsi disparaît dans l’enfer de Verdun l’un des plus grands peintres expressionnistes du début du XXe siècle…   #DestindeVerdun, un podcast écrit et produit par l'équipe du Mémorial de Verdun : Nicolas Czubak, Quentin Poulet et Charles Poisson Adaptation des textes pour l’audio : Delphine Peresan-Roudil et Florence Guionneau-Joie Voix-off : Léa Wiazemsky Musique originale et fonds sonores : Christian Holl et Hicham Chahidi Réalisation : FGJ/Art Expo - Post-production : Plissken Production - Enregistrement : Hope So Production
#E13 - Léon Buffet, par Barbara Probst - FR
May 24 2023
#E13 - Léon Buffet, par Barbara Probst - FR
Léon Buffet "Il était de retour" Lorsque la guerre éclate, Buffet est encore étudiant. Mobilisé, il est incorporé en avril 1915 et nommé aspirant en septembre de la même année. Né en octobre 1896 en Côte d’Or, Léon Buffet se traçait une toute autre destinée avant sa mobilisation. Envoyé dans un orphelinat après le décès de sa mère, le petit Léon poursuit une scolarité brillante qui lui permet de s’inscrire au collège. Son avenir semble tout tracé : il sera professeur ! La guerre stoppera ce doux rêve.. Intégré au 142e Régiment d'Infanterie, il arrive sur le front de Verdun à la fin du mois de mai 1916. Et c’est avec les autres membres de sa compagnie que l’aspirant Buffet se retrouve piégé dans le fort de Vaux lorsque son siège commence… le 2 juin.  Trois jours plus tard, aux premières heures du jour, Buffet est en tête d’un petit groupe. Tous n'ont qu'une seule idée en tête : sortir du fort. Sous le couvert de la nuit, il franchit le fossé et s’éloigne, l’adrénaline poussée à fond, la peur au ventre. Il ne faut faire aucun bruit, car les Allemands veillent sur les dessus du fort avec leurs mitrailleuses. Malgré les embûches, d’autres soldats, autour de lui, réussissent également à s’exfiltrer. Mais il n’en est pas de même pour ceux qui les suivent, cueillis par des rafales de balles.  Léon Buffet parvient jusqu’au fort de Tavannes, pour rapporter à ses supérieurs la situation dramatique à Vaux : cela fait trois jours que le fort est assiégé par l’ennemi, avec des explosions dans les galeries étroites, des fumées, une chaleur épouvantable, des appels à l’aide de soldats à l’agonie… Et par-dessus tout la soif, la soif qui tiraille, qui rend fou…  La garnison, sous les ordres du commandant Raynal, est à bout de force. Elle réclame de l’aide. Les supérieurs promettent une contre-attaque libératrice… mais encore faut-il pouvoir avertir les assiégés afin qu’ils soutiennent cette action. L’aspirant Buffet se propose alors de retourner dans cet enfer pour prévenir ses camarades.  La nuit suivante, le voilà qui rebrousse chemin, sautant de trou d’obus en trou d’obus, sur ce terrain dont les contours taillés à la hache émergent brièvement sous la lumière des fusées éclairantes et des explosions. Quelques détonations retentissent autour de lui, soulevant la terre et l’enveloppant de lourdes fumées. Soudain, une masse sombre et familière apparaît devant lui : le fort de Vaux. Mais comment se faire reconnaître de ses camarades ? Par de courts appels étouffés, il appelle les hommes retranchés dans le fort. Une barricade de sacs de terre finit enfin par s’entrouvrir. Un caporal apparaît et hisse l’aspirant à l’intérieur qui, reconnu, suscite la stupéfaction parmi les défenseurs : « Buffet est de retour ! ». Au péril de sa vie, Léon Buffet a réussi l’exploit non seulement de sortir du fort assiégé, mais aussi d’y retourner, animé par le sens du devoir et par la fidélité envers ses camarades. C’est à leurs côtés qu’il vit la reddition du fort le lendemain, la contre-attaque française ayant échoué. C’est aussi avec eux qu’il partage sa captivité, puisque sa garnison reste détenue jusqu’à la fin de la guerre.  Sorti de cet enfer, il se marie en 1919 et devient enfin professeur, enseignant les mathématiques à Perpignan et à Narbonne. Jusqu’à sa mort, c’est un membre actif de différentes associations d’anciens combattants, dont Ceux de Verdun et surtout celle des Défenseurs du fort de Vaux. Fait chevalier de la Légion d’honneur, il refuse sa nomination au grade d’officier en 1966, indiquant que d’autres hommes plus valeureux que lui méritent davantage d’être honorés. Léon Buffet décède le 10 octobre 1966 à Perpignan, commune où il est inhumé.   #DestindeVerdun, un podcast écrit et produit par l'équipe du Mémorial de Verdun : Nicolas Czubak, Quentin Poulet et Charles Poisson Adaptation des textes pour l’audio : Delphine Peresan-Roudil et Florence Guionneau-Joie Voix-off : Barbara Probst Musique originale et fonds sonores : Christian Holl et Hicham Chahidi Réalisation : FGJ/Art Expo - Post-production : Plissken Production - Enregistrement : Gorgone Productions
#E14 - Pierre-Alexis Muenier, par Léa Wiazemsky - FR
May 24 2023
#E14 - Pierre-Alexis Muenier, par Léa Wiazemsky - FR
Pierre-Alexis Muenier "Au milieu des flammes de Bras-sur-Meuse" La voiture a fait un bond en avant et s’est arrêtée net. Impossible de la redémarrer. En cette nuit du 25 février 1916, Pierre-Alexis Muenier et son camarade Martin sont bloqués avec leur ambulance, au beau milieu du village de Bras-sur-Meuse, en plein bombardement. Rien ne prédestinait Muenier à rejoindre une unité sanitaire. Son domaine de prédilection, c’est plutôt l’étude des lettres et le professorat ! Fils de peintre, le jeune Franc-Comtois avait tout juste commencé sa thèse lorsque la guerre a éclaté. Comme il sait conduire, il a été mobilisé pour piloter les ambulances.  Même s’il a déjà vu de terribles souffrances lors des premières années du conflit, rien ne le prépare à la violence inouïe qu’il découvre en arrivant à Verdun. Et le voilà maintenant fourré dans cette situation très dangereuse, en plein milieu de Bras-sur-Meuse…  Avec Martin, ils tentent de faire repartir leur ambulance, mais rien n’y fait... Elle s’est empêtrée dans un réseau de fils de fer. Et les obus tombent autour d’eux, à une cadence effroyable d’une dizaine par minute. Un obus toutes les 5 secondes ! Ils sont plaqués contre le sol, entourés par les flashes des explosions et le souffle chaud des détonations. Les éclats claquent sur les façades des maisons d’où sortent des flammes… Il faut abandonner là le véhicule… Ils s’engagent alors dans une course haletante pour s’extraire de la commune en feu. En route, un éclat d’obus vient percuter Muenier. Il en est quitte pour cette fois-ci : le projectile en fin de course n’a fait que rebondir sur son uniforme… Enfin, ils atteignent la sortie du village. Ils retrouvent leurs camarades des trois autres ambulances, miraculeusement indemnes… Un des conducteurs a localisé le poste de secours. Ce qui implique, malheureusement, de retourner dans le village… Au milieu des explosions, ils atteignent l’abri où ont été regroupés les blessés. De cette cave renforcée sortent, affolés, des tirailleurs algériens et des soldats européens aux bandages ensanglantés. Il faut fuir… Fuir cette zone de mort où depuis plus de 5 jours maintenant on s’entretue. Voilà ce qui obsède tous ces hommes de la 37e Division, qui hurlent en français et en arabe… Mais il est impossible aux ambulanciers d’emmener tous les blessés. Dans la cohue, les brancardiers, aussi épuisés qu’eux, n’arrivent pas à les canaliser. Seule l’intervention d’un aumônier permet de rétablir l’ordre et d’évacuer en priorité les plus atteints. Dans l’ambulance sur laquelle s’est rabattue Muenier, douze blessés s’entassent. Le convoi quitte le village sous la fureur des obus, qui continuent leur œuvre de destruction. Par miracle, il atteint sans dommages Baleycourt, où les blessés finissent par être pris en charge… Pierre-Alexis Muenier connaîtra quatre autres passages sur le front de Verdun… Servant dans les services automobiles jusqu’à la fin de la guerre, il termine le conflit après avoir été mobilisé durant quarante-deux mois. Il publie, fin 1918, le témoignage de son expérience sous le titre évocateur de « L’Angoisse de Verdun ». Après la guerre, il parvient enfin à terminer sa thèse, et devient critique littéraire.   #DestindeVerdun, un podcast écrit et produit par l'équipe du Mémorial de Verdun : Nicolas Czubak, Quentin Poulet et Charles Poisson Adaptation des textes pour l’audio  : Delphine Peresan-Roudil et Florence Guionneau-Joie Voix-off : Léa Wiazemsky Musique originale et fonds sonores : Christian Holl et Hicham Chahidi Réalisation : FGJ/Art Expo - Post-production : Plisken Production - Enregistrement : Hope So Production
#E15 - Fernande Herduin, née Nivoix, par Clotilde Hesme - FR
May 24 2023
#E15 - Fernande Herduin, née Nivoix, par Clotilde Hesme - FR
Fernande Herduin "Se battre, même après la guerre" C’est maintenant un paysage lunaire qui définit la zone des anciens combats devant Verdun. Une nature morte, parsemée de trou d’obus, de barbelés et d’anciennes constructions humaines désormais en ruines. Au milieu de ce décor se tient une femme seule, le regard balayant les environs, à la recherche du village martyr de Fleury-devant-Douaumont. Mais Fernande Herduin n’en croit pas ses yeux : il ne reste plus rien, pas même une pierre témoignant de l’emplacement d’une maison. Impossible d’affirmer que, jadis, un village était érigé à cet endroit. C’est pourtant ici qu’elle souhaite se recueillir, sur le lieu où son mari est tombé sous les balles françaises. Il s’agissait du sous-lieutenant Henri Herduin, du 347e Régiment d’Infanterie, fusillé pour l’exemple... Lui et son régiment se trouvaient aux abords de la ferme de Thiaumont depuis le 5 juin 1916. Mais le 8, de violents bombardements et une puissante attaque allemande sont venus à bout de la résistance des Français. Le régiment d’Herduin est décimé, ne laissant qu’une poignée d’hommes, bien trop peu pour tenir tête à l’ennemi. Dans cette situation, Henri Herduin et son homologue, le sous-lieutenant Pierre Millant, décident qu’il est plus prudent de se replier sur Verdun. Et ce, malgré l’opposition d’un capitaine d’un autre régiment, qui les somme de retourner en ligne. Avec la quarantaine d’hommes exténués qu’il leur reste, Herduin et Millant se présentent le 9 juin au matin à la caserne Anthouard, en omettant de faire un rapport sur leur situation. Aux yeux de la hiérarchie militaire, ce repli sans ordre est assimilé à de l’abandon de poste. Une faute grave, qui ne peut être sanctionnée que par la peine de mort. Henri Herduin et Pierre Millant sont fusillés sans jugement le 11 juin, au bois de Fleury. Depuis ce jour, Fernande Herduin s’est faite la promesse de réhabiliter son mari. Dès la paix revenue, elle amorce son difficile combat contre une hiérarchie militaire couverte par une grande partie de la classe politique. Appuyée par un avocat et par la ligue des Droits de l’Homme, elle porte plainte pour assassinat contre le colonel Bernard, l’officier qui a directement ordonné l’exécution de son mari. Sans succès... En avril 1921, deux députés communistes, Berthon et Morucci, prennent cause pour Madame Herduin. Celle-ci porte plainte pour diffamation contre un journaliste qui, comble de l’ignominie, a sali l’honneur de son défunt mari. Cette fois-ci, elle obtient gain de cause.  L’affaire devient publique et est relayée par des articles dans des journaux tels que « Le Progrès civique » et « l’Humanité ». Le nom du colonel Bernard, mais également des généraux Boyer et Lebrun, officiers supérieurs associés à l’exécution, sont désormais publiquement mis en cause. La classe politique commence alors à plier. En novembre 1921, le ministre Louis Barthou reconnaît l’injustice dont a été victime son mari, mais il ne peut pour autant faire réviser l’affaire. Au début de l’année suivante, victoire : le ministre des pensions André Maginot accorde définitivement le statut de « mort pour la France » aux sous-lieutenants Herduin et Millant. En 1924, à l’initiative de la Ligue des Droits de l’Homme et du député Berthon, le parlement adopte une loi qui proclame innocents les soldats exécutés sans jugement. Derrière cette loi, c’est tout le combat porté par Fernande Herduin qui est enfin reconnu. La voie de la réhabilitation est désormais ouverte pour les deux sous-lieutenants de Fleury, une réhabilitation qui est officiellement obtenue le 20 mai 1926. Aujourd’hui, Pierre Millant est enterré à la nécropole nationale de Fleury, dans la tombe n°6177. Henri Herduin est, quant à lui, inhumé dans sa ville d’origine de Reims. Fernande Herduin, quant à elle, est décédée en 1954.  En souvenir de ces deux fusillés de Verdun, une stèle commémorative leur rend hommage dans le village détruit de Fleury-devant-Douaumont.   #DestindeVerdun, un podcast écrit et produit par l'équipe du Mémorial de Verdun : Nicolas Czubak, Quentin Poulet et Charles Poisson Adaptation des textes pour l’audio : Delphine Peresan-Roudil et Florence Guionneau-Joie Voix-off : Clotilde Hesme Musique originale et fonds sonores : Christian Holl et Hicham Chahidi Réalisation : FGJ/Art Expo - Post-production : Plissken Production - Enregistrement : Hope So Production
#E16 - Fernand Marche, par Thierry Godard - FR
May 24 2023
#E16 - Fernand Marche, par Thierry Godard - FR
Fernand Marche "Une main dressée en l’air” Une main dressée en l’air avec un courrier froissé entre ses doigts. C’est ce qui a attiré le regard du coureur, ruisselant de sueur, le souffle maintes fois coupé par les explosions tout autour de lui. Il finit par reconnaître le bougre gisant au sol. C’est le pauvre Fernand Marche qui a fini là sa course, en ce mardi 1er août 1916, au bord de cette piste slalomant entre les trous d’obus. Né 28 ans plus tôt en 1888, Fernand Marche venait du Pas-de-Calais. Comme beaucoup d’hommes de la région, il est devenu mineur dès ses 13 ans. Après son mariage, en 1911, Fernand a entamé son service militaire... Et lorsque la Première Guerre mondiale a éclaté, il a été rappelé sous les drapeaux.  En 1915, après avoir intégré le 130e Régiment d'Infanterie, il est blessé en octobre lors des combats de la ferme de Navarin en Champagne. Neuf mois plus tard, son régiment est arrivé sur le front de Verdun. En cet été 1916, les combats et les bombardements sont d’une intensité inouïe sur la crête de Thiaumont.  La mission de Fernand Marche, ce jour-là, est de porter un message au colonel, dont le poste de commandement est installé à quelques centaines de mètres de l’ouvrage de Thiaumont. Précisément là où s’accrochent les Allemands depuis plus de cinq semaines. Il y a 1800 mètres à parcourir à découvert depuis les carrières de Bras-sur-Meuse, sans relai, sans pause possible, au milieu des détonations, des cadavres, des débris de toutes sortes. L’ordre doit arriver le plus rapidement possible.  Marche s’est porté volontaire, comme dix autres de ses camarades. Le lieutenant l’a choisi car il paraissait être, à ses yeux, le plus expérimenté. Il s’est alors jeté de tout son corps dans cette course folle, au beau milieu de l’enfer de Verdun. Mais des éclats d’obus ont fini par l’atteindre. Conscient de l’importance de sa mission, il aurait eu la force, avant d’expirer, d’adosser son bras à un quelconque obstacle afin de rendre visible le précieux message. Et, par-delà la mort, il a réussi à se faire comprendre. Le coureur suivant saisit le pli maculé de sang et réussit à atteindre le poste du colonel Lebaud. Ému par le récit de cette rencontre, Lebaud se promet alors, s’il revient de Verdun, d’ériger un monument en souvenir de ce héros. Ce vœu se concrétise en 1925, lorsqu’une statue rendant hommage à Fernand Marche est inaugurée à proximité de la fosse où travaillait le jeune homme. Quant à lui, il repose à quelques centaines de mètres de sa dernière course, au milieu de milliers de camarades, dans la tombe n°6649 de la nécropole de Fleury-devant-Douaumont.    #DestindeVerdun, un podcast écrit et produit par l'équipe du Mémorial de Verdun : Nicolas Czubak, Quentin Poulet et Charles Poisson Adaptation des textes pour l’audio : Delphine Peresan-Roudil et Florence Guionneau-Joie Voix-off : Thierry Godard Musique originale et fonds sonores : Christian Holl et Hicham Chahidi Réalisation : FGJ/Art Expo - Post-production : Plissken Production - Enregistrement : Hope So Production
#E17 - Eugène Bullard, par Ibrahim Koma - FR
May 24 2023
#E17 - Eugène Bullard, par Ibrahim Koma - FR
Eugène Bullard "Tout sang coule rouge" New York, 1960. Dans l’immeuble, personne ne fait plus vraiment attention au vieux garçon d’ascenseur, Eugène Bullard. Pourtant, il y a quelques mois, le président Charles de Gaulle l’a qualifié de « véritable héros français », et l’a fait décorer de la Légion d’honneur. Tout ceci lui a fait chaud au cœur, même si, aux yeux de ses compatriotes, cet afro-américain de 65 ans reste un parfait inconnu. Pourtant, sa vie a été tout sauf ordinaire ! En 1912, le jeune homme a fui la misère et le racisme de l’Amérique ségrégationniste pour rejoindre le vieux continent. Après avoir connu de nombreux petits métiers, il est devenu boxeur. Et c’est ce sport qui lui a permis de découvrir la France, ce pays qui le fascinait tant depuis son enfance. Un pays où le racisme est certes présent, mais qui n’empêche pas blancs et noirs de se côtoyer. Bullard est à Paris lorsque la guerre éclate, à l’été 1914. Par francophilie, il s’engage dans la Légion étrangère. Il connaît les combats d’Artois et de Champagne, avant de rejoindre le 170e RI à la fin de l’année 1915. Il se retrouve engagé à Verdun, où il est grièvement blessé en mars 1916, alors que la lutte fait rage pour la possession du village de Douaumont.  Bien que rendu en partie invalide par sa blessure à la jambe, Eugène souhaite toujours servir sa patrie d’adoption. Il intègre alors le service aéronautique. Au printemps 1917, il est breveté pilote et retrouve le ciel de Verdun quelques mois plus tard. Sur le fuselage de son appareil, il fait inscrire : « All blood runs red » : « Tout sang qui coule est rouge », rappelant à ses amis et ses ennemis que tous, quelles que soient leurs origines, sont égaux face à la mort. Il abat deux avions, mais ses victoires ne sont pas homologuées, faute de témoins. 1917, c’est aussi l’année où son pays natal rejoint le conflit. Le gouvernement américain a demandé aux aviateurs yankees engagés volontaires dans l’armée française d’intégrer le service aéronautique de l’oncle Sam. Eugène Bullard ne s’y est pas soustrait. Mais le médecin en charge du recrutement des pilotes, le Docteur Gros, s’y est opposé. Pour lui, un homme de couleur ne saurait piloter un appareil, et encore moins commander des subalternes blancs… Profitant d’un incident opposant Bullard à un officier français, Gros le fait interdire définitivement de vol. Eugène termine la guerre dans les services arrière du front, dans le Puy de Dôme. La paix revenue, Bullard reste en France où il fait carrière dans la musique, à une époque où le jazz emporte tout sur son passage. Faisant fortune, il acquiert un club, puis un bar, dans lequel il côtoie des célébrités comme Joséphine Baker ou encore Louis Armstrong. Lorsque le second conflit mondial éclate, Eugène Bullard a 45 ans. Il s’engage à nouveau dans l’armée française. Dans la débâcle du printemps 1940, il est blessé dans l’Indre, mais réussit à retourner aux États-Unis avec l’aide du consulat américain de Bordeaux.  Outre-Atlantique, il milite pour la France libre par le biais de l’organisation « France Forever ». Mais il retrouve les petits boulots, rattrapé par la ségrégation et les violences racistes qu’il a fuies dans sa jeunesse. Le conflit terminé, il fait le choix de rester aux États-Unis, ses deux filles y étant établies. En 1961, le vieux garçon d’ascenseur, jadis héros de guerre, s’éteint dans l’indifférence générale. Il est inhumé dans sa tenue de légionnaire, dans le carré des anciens combattants français du cimetière de Flushing, dans le Queen’s. Ce n’est que 33 ans plus tard que son pays natal lui rend enfin hommage, par la voix de Colin Powell, alors chef d’État-Major de l’armée américaine. Il nomme de manière posthume Eugène Bullard au grade de sous-lieutenant, ce qui lui avait été refusé en 1917…   #DestindeVerdun, un podcast écrit et produit par l'équipe du Mémorial de Verdun : Nicolas Czubak, Quentin Poulet et Charles Poisson Adaptation des textes pour l’audio  Delphine Peresan-Roudil et Florence Guionneau-Joie Voix-off : Ibrahim Koma Musique originale et fonds sonores : Christian Holl et Hicham Chahidi Réalisation : FGJ/Art Expo - Post-production : Plissken Production - Enregistrement : Hope So Production
#E18 - Charles Delvert, par Christophe Malavoy - FR
May 24 2023
#E18 - Charles Delvert, par Christophe Malavoy - FR
Charles Delvert "Le retranchement au milieu de la tempête" Rien ne prédestinait Charles Delvert, professeur d’histoire avant la guerre, de devenir un des nombreux héros ordinaires de Verdun. Né à Paris en 1879, Charles Delvert vient d’une famille modeste d’artisans à domicile. Comme il est bon élève, sa famille lui obtient une bourse pour qu’il accède au lycée. C’est le début d’un beau et brillant parcours qui le mènera jusqu’aux bancs de l’École normale supérieure en 1899. Mais Charles Delvert souhaite servir son pays. La même année, il devance l’appel pour effectuer son service militaire, puis devient officier de réserve. Devenu professeur d’histoire, il enchaîne les postes à Gap, Agde, Dreux ou encore Arras. Jusqu’en 1914, où il est mobilisé et rejoint le 101e Régiment d'Infanterie avec le grade de lieutenant. Delvert est blessé à deux reprises, en août puis en septembre. À chaque fois, à peine rétabli,  il retourne au front. Sa division prend part à de terribles combats de Champagne pendant l’année 1915, puis elle monte à Verdun fin mai 1916, dans le secteur de Vaux…  Et plus précisément dans le retranchement R1, à 500 mètres à l’ouest du fort de Vaux. C’est là que, durant cinq jours, le capitaine Charles Delvert et les quelques dizaines d’hommes qui lui restent tiennent bon, coûte que coûte. Un exploit ! Un fait d’armes qui vaudra à Delvert et aux survivants d’être décorés.  Le premier jour, les Allemands réussissent à s’emparer des deux autres retranchements sur leur gauche. Le lendemain, l’artillerie française, mal informée, pilonne leur position toute la journée. Les fusées de signalisation lancées par les soldats français n’y feront rien. C’est l'hécatombe dans les rangs français. Au soir du 2 juin 1916, Delvert ne compte plus que 70 hommes sur les 170 qu’il a menés au retranchement R1...Épuisé, avec une unité affaiblie, Delvert résiste. Le 3 juin, les mitrailleuses ennemies attaquent leurs arrières depuis les dessus du fort de Vaux, désormais totalement investi par les Allemands. Ces derniers atteignent la position française aux premières heures du lendemain. Les soldats allemands qui ont réussi à descendre dans le retranchement se font tués ou blessés à coups de grenades et de fusils. Seuls deux rescapés sont capturés, dont un jeune cordonnier de Essen.  Dans l’après-midi, l’artillerie allemande continue à pilonner la position française. « C’est terrible ! C’est fou ! », lâche le jeune Allemand devant Charles Delvert, qui tente de rester impassible mais qui, intérieurement, est tout aussi terrifié. En soirée, les canons français recommencent à bombarder le retranchement… ne laissant valides que 39 hommes autour de Delvert. Durant ces horribles journées, l’officier ne peut s’empêcher d’admirer l’abnégation de ses hommes sous la mitraille. Et notamment celle de l’un de ses brancardiers, Lévêque. Celui-ci, à bout de force physiquement et nerveusement, ne renonce pas à transporter les blessés dans des conditions dantesques. Il parvient à les évacuer à la « redoute », la position bétonnée qui prolonge le retranchement R1, ainsi que vers l’arrière, vers le bois Fumin. Cet arrière qui n’est plus relié que par un boyau trop peu profond pour protéger des balles et des obus de l’adversaire et dans lequel beaucoup y ont laissé leur peau.  Le 5 juin 1916, alors que la fatigue et le stress les rendent encore plus vulnérables et que la faucheuse emporte les soldats, leur tranchée renforcée résiste encore et toujours aux attaques allemandes. Les survivants n’attendent qu’une chose : la relève ! Celle-ci, amorcée la nuit précédente, a ensuite été annulée par un contre-ordre... Alors qu’enfin l’artillerie française s’en prend efficacement à l’adversaire, la bonne nouvelle est à nouveau annoncée… pour de bon cette fois. Delvert est obligé de laisser sur place les morts de sa compagnie, auxquels s’ajoutent ceux des détachements venus en renfort. Des morts qui, avec leurs membres raidis, semblent encore s’accrocher à cette partie du champ de bataille qu’ils ont défendue jusqu’au bout. Au moment où Charles Delvert gagne le tunnel de Tavannes, la porte de sortie de l’enfer, il n’est plus accompagné que par huit hommes… Leur résistance héroïque vaudra à Delvert d’être décoré de la Légion d’honneur. Après Verdun, il est blessé deux autres fois avant d’être détaché auprès de différents états-majors. La paix revenue, il retrouve le chemin de l’enseignement, d’abord au lycée Janson-de-Sailly puis à Henri IV. Animé d’un patriotisme exigeant, il décide de s’engager sans succès en politique au début des années 1930. Charles Delvert s’éteint le 11 décembre 1940, à l’âge de 61 ans.   #DestindeVerdun, un podcast écrit et produit par l'équipe du Mémorial de Verdun : Nicolas Czubak, Quentin Poulet et Charles Poisson Adaptation des textes pour l’audio : Delphine Peresan-Roudil et Florence Guionneau-Joie Voix-off : Christophe Malavoy Musique originale et fonds sonores : Christian Holl et Hicham Chahidi Réalisation : FGJ/Art Expo - Post-production : Plissken Production - Enregistrement : Hope So Production
#E19 - Kléber Dupuy, par Marie Kremer - FR
May 24 2023
#E19 - Kléber Dupuy, par Marie Kremer - FR
Kléber Dupuy "Je reste au fort !" En cette nuit du 10 au 11 juillet 1916, la 3e compagnie du 7e Régiment d'Infanterie est en mauvaise posture. Kléber Dupuy et les hommes qui l’entourent ont une mission : atteindre les carrières du bois de Vaux-Chapitre.  La marche est longue, sous les obus et dans les nappes de gaz asphyxiants. Malgré les masques de protection, les hommes tombent les uns après les autres. Soucarre, le capitaine de la compagnie, finit par être intoxiqué. Il passe le commandement au jeune Dupuy. Sur le chemin, une masse se dresse devant eux. Souville. Il est 5h30 et le jour se lève sur le groupe de soldats. Combien en reste-il ? Une soixantaine… Seulement… Kléber comprend qu’ils n’arriveront jamais vivants aux carrières. Leur salut, c’est de faire halte au fort de Souville qui n’est plus très loin. Il semble pourtant inatteignable : les canons allemands martèlent l’ouvrage fortifié et ses environs immédiats. À coup sûr, l’ennemi prépare une nouvelle offensive après l’échec de celle du 23 juin.  Il découvre alors les ruines de l’ouvrage. Seules les galeries souterraines tiennent encore debout. Là, le spectacle est désolant. Des blessés et des gazés souffrent, hurlent et meurent dans l’obscurité. Le lieutenant-colonel Astruc, en charge du commandement du fort, est lui-même intoxiqué et dans l’incapacité de commander. Dupuy décide de réorganiser tant que faire se peut la défense du fort.  Il dispose d’à peine 300 hommes, issus d’unités diverses. Il leur ordonne de dégager les sorties obstruées par les effondrements, de construire des barricades, et poste des sentinelles aux alentours. Toute la journée du 11 juillet, à moins d’1 km de là, au niveau des ruines de Fleury, les combats sont d’une violence inouïe. La garnison s’attend à voir surgir l’ennemi qui, finalement, ne se présente pas… Mais, dans les premières heures de ce mercredi 12 juillet, les Allemands repartent à l’attaque et, cette fois-ci, ils s’approchent dangereusement. « Tout le monde à son poste ! ». Sur les pentes du fort, quelques centaines de soldats ennemis bondissent de trou d’obus en trou d’obus. Les mitrailleuses de Souville entrent en action, et infligent de lourdes pertes aux assaillants. Quelques dizaines de soldats ennemis parviennent cependant à atteindre les fossés et les dessus du fort. Le combat se poursuit à la grenade.  C’est alors que les obus allemands s’abattent avec force sur le fort. Mais, au bruit des trajectoires, les défenseurs comprennent avec horreur que l’artillerie française se mêle également à l’œuvre de destruction qui frappe indistinctement les combattants des deux camps. À Verdun, on pense en effet que le fort est déjà perdu, d’où cette méprise ! Au milieu des explosions, Dupuy s’empresse de faire prévenir l’état-major pour demander de toute urgence l’arrêt des tirs… Qui finissent par cesser après une heure interminable. En milieu de journée, des renforts du 25e Bataillon de chasseurs à pied arrivent au fort pour le dégager, et pour faire prisonnier les quelques soldats allemands encore en état de se battre. À 14h, le fort n’est plus menacé. Sur les 300 hommes de la garnison, la moitié a été tuée, blessée ou portée disparue… Au soir, Dupuy et ses hommes sont relevés. Ce combat de Souville est depuis présenté dans l’historiographie française comme l’ultime assaut des Allemands contre Verdun. Dans les faits, il s’agissait plutôt d’une simple reconnaissance, qui avait d’ailleurs été effectuée sans ordre par les soldats allemands du 140e Régiment d'Infanterie. Mais pour tous ceux qui y avaient participé, l’intensité de la lutte n’en avait pas moins été réelle… Pour cette action héroïque, Kléber Dupuy est fait chevalier de la Légion d’honneur en 1917. Ce jeune girondin, courageux et vaillant, n’avait pourtant pas embrassé une carrière militaire. Né en 1892, dans une famille d’ostréiculteurs, Kléber Dupuy obtient son diplôme d’instituteur en 1912. Deux ans plus tard, la guerre éclate alors qu’il effectue son service militaire. Lors de la bataille de la Marne, il avait déjà été blessé par l’explosion d’un obus. Le 3 juin 1916, devenu lieutenant, c’est avec la 3e compagnie du 7e Régiment d'Infanterie qu’il avait rejoint le front de Verdun.  En 1918, Kléber est grièvement blessé près de Tigny, dans l’Aisne, une blessure qui le contraint à se faire amputer d’une jambe.  La paix revenue, il reprend sa fonction d’instituteur à Bordeaux, comme si presque rien ne s’était passé. Mais, gêné par son handicap, il devient en 1923 le chef de Service Administratif du Comité Départemental d’Assistance aux Mutilés et Veuves de Guerre en Gironde. Grand officier de la Légion d’honneur depuis 1948, il meurt le 16 octobre 1966 à 74 ans.   #DestindeVerdun, un podcast écrit et produit par l'équipe du Mémorial de Verdun : Nicolas Czubak, Quentin Poulet et Charles Poisson Adaptation des textes pour l’audio : Delphine Peresan-Roudil et Florence Guionneau-Joie Voix-off : Marie Kremer Musique originale : Christian Holl et Hicham Chahidi Réalisation : FGJ/ArtExpo - Post-production : Plissken Production - Enregistrement : Hope So Production